Dans
les eaux limpides du Pacifique se reflétaient les contours chatoyants des
montagnes qui embrassaient les vagues. L’ancien volcan de Hawai’i aux flancs
verts nourriciers dominait l’île toute entière en hauteur, et semblait
lancer un appel silencieux aux voiliers qui se perdaient à l’horizon parmi
les coraux. Les tortues de mer, anciennes gardiennes de l’océan, laissaient
entrevoir leur tête bigarrée à quelques mètres de la berge, rappelant aux
baigneurs l’omniprésence de la florissante nature. Dans l’air flottait une
odeur d’eucalyptus à laquelle venait se mêler celle de la montagne, de la
mer, du sable et des flancs verdoyants, comme si l’île entière accordait la
moindre parcelle de son antique corps en une harmonie d’odeurs plus riches,
plus apaisantes, plus tranquilles les unes que les autres. Et tandis que les
gouttelettes salées des vagues portées par la brise humectaient la bouche
d’un avant-goût de la mer, les poissons dans leurs lits de coraux laissaient
entrevoir l’éclat de leurs écailles colorées.
Les
voyageurs aimaient à s’attarder sur la berge jusqu’au coucher du soleil,
afin d’admirer les splendeurs infinitésimales que ce monde à l’autre bout du
monde avait à leur offrir. Dans le sable, les crabes creusaient sans cesse
un dédalle de galeries qu’une simple vague pouvait emporter, et pourtant
jamais ils ne se lassaient de construire et reconstruire ce labyrinthe
souterrain. La jeune femme aimait à les voir œuvrer. Le goût des fruits
exotiques s’attardait sur sa langue lorsqu’elle contemplait les branches
recourbées de l’arbre fruitier qui recouvrait la grève, offrant
gracieusement une zone de répit face aux impitoyables rayons du soleil qui
marquait toujours de plus en plus la chair des imprudents qui venaient
s’exposer à ses coups. On sentait partout l’éclat languissant de sa
puissance, en ville comme à la plage; lorsqu’il se reflétait sur les hautes
fenêtres des gratte-ciel tout comme lorsqu’il s’attardait derrière les pics
des montagnes, surplombant la vallée sacrée de Kualoa où jadis, dans des
temps immémoriaux, les coupables affluaient en nombre pour chercher refuge
dans ce sanctuaire.